L’évolution d’une yogini… La mienne

J’aimerais vous raconter comment ma relation avec le yoga a commencé et le cheminement qui s’en est suivi depuis 20 ans.

L’influence de Madonna.

J’ai découvert le yoga dans les années 90. À l’époque, je pratiquais déjà beaucoup de sports (danse irlandaise, karaté et tennis). Je m’étais initiée au Tai Chi, mais j’ai arrêté après un an, car les classes étaient trop nombreuses et je préfère les petits groupes. Comme je suis le genre de personne qui relève sans cesse des défis, j’ai toujours tout fait intensément. Il fallait que ça bouge. Quand j’ai vu mon idole Madonna déclarer qu’elle avait renoncé à la gym au profit du yoga, ça m’a intriguée. Je me suis donc inscrite à un cours de yoga dans la tradition Kripalu. Pour moi, le yoga était simplement une activité physique qui aidait à nous rendre plus flexibles et en même temps nous relaxer un peu. Je « tripais uniquement » sur les postures. Je détestais la méditation et le chanting (Mantra Om). Finalement, j’ai commencé à apprécier les techniques de respiration, mais je considérais toujours le yoga comme un sport. À la suite d’une chirurgie, j’ai dû renoncer au karaté, au tennis et à la danse irlandaise, car je devais éviter les sauts et les sports de contact. Il ne me restait plus que la nage, la marche, le vélo et le yoga. C’est alors que j’ai commencé à m’investir un peu plus dans le yoga en le pratiquant à la maison également, mais je me concentrais toujours sur les postures et les respirations. Je suis même allée dans un ashram pour une fin de semaine, mais je n’ai pas aimé mon expérience. Je trouvais cela un peu dogmatique et ça ne me rejoignait pas.

L’appel à l’enseignement !

J’ai continué mes cours et j’ai réussi à arrêter de fumer après 25 ans comme fumeuse. Ce fut mon plus grand exploit, car j’ai arrêté sans rien prendre pour m’aider. Seule ma pratique de yoga m’a soutenue. Ensuite, j’ai réussi à me sevrer de mes anxiolytiques et aussi contrôler mes crises d’angoisse. Une autre belle victoire. À la suite de cela, je suis allée dans un centre de yoga (Kripalu) aux États-Unis pour un séjour. J’ai préféré cette expérience à celle de l’ashram. Lors de mon deuxième séjour, une des profs m’a suggéré de suivre une formation d’enseignant. Elle disait qu’elle me voyait comme professeur, car j’avais les qualités de cœur pour le faire. Je lui ai répondu que je n’étais pas assez flexible pour cela, car pour moi, un prof devait être capable de se contorsionner comme un gymnaste. Elle m’a répondu que je pouvais me concentrer sur l’enseignement d’un yoga plus doux ou thérapeutique et que l’aspect flexibilité n’était pas nécessaire. Dix mois après cette rencontre, je décide de me lancer dans l’aventure. Je m’inscris à une formation de 250 heures avec « Heaven on Earth Yoga Institute » à Pierrefonds et j’entreprends un changement de carrière. Je m’attendais à étudier seulement des postures et des techniques de respiration, mais quelle surprise de constater que la vraie pratique du yoga traditionnel était beaucoup plus vaste ! Il y avait aussi une philosophie derrière tout cela et un côté spirituel. J’ai appris sur les différents codes moraux universels (yamas et niyamas) tels que la non-violence, la recherche de la vérité, l’honnêteté, le non-attachement, le non-jugement, l’absence d’avarice et de convoitise, la modération, la simplicité volontaire et la sobriété. En fait, on devait pratiquer chacune de ces qualités dans notre quotidien pendant un mois à travers différentes actions. Dans les cours,  je n’étais pas à l’aise avec le fait de chanter des mantras donc je ne chantais pas. Puis, j’y ai pris goût. Durant ma formation, je faisais partie d’une cohorte de 10 personnes et seulement quelques-unes ont adopté le chant du mantra au début du cours, car elles avaient peur que les élèves trouvent cela trop bizarre. Pourtant, c’est juste un chant qui dure 1 minute. Moi qui ne l’appréciais pas au début, je suis devenue passionnée. Je le fais parce que ça me fait du bien à l’âme, cela m’aide à me centrer et c’est la tradition. Cependant, dans mes cours, je n’oblige personne à chanter afin que tout le monde soit à l’aise, car je me souviens de mes débuts.

Spirituelle ou superficielle?

Un an après ma formation générale, je suis allée aux États-Unis pour une semaine de formation plus spécialisée. Je me trouvais vraiment cool et spirituelle en yoga, mais je me suis fait remettre à ma place. Un des maîtres m’a dit : « prends garde à ne pas trop te promener entre la spiritualité et le superficiel ». Un autre maître m’avait dit de faire attention de ne pas me dénaturer en gardant une ligne droite au lieu de m’éparpiller. En méditant sur la phrase, je me suis rendue compte qu’effectivement, j’avais encore un côté très superficiel et j’étais beaucoup trop dans le « paraître ». Je me suis donc remise à travailler sur l’aspect de l’authenticité et de cheminer vers l’aspect de « l’être » et c’est à ce moment-là que j’ai arrêté de suivre les modes et les tendances et de m’en tenir à l’aspect traditionnel du yoga au lieu du yoga commercial. Moi qui avais toujours été libérale dans ma vie, je suis devenue plus conservatrice et peut-être même un peu puriste et « granola ». J’étais plus sensible aux enjeux environnementaux, à l’alimentation biologique et naturelle et les bonnes habitudes de vie saine. Terminé la bouteille de vin durant la fin de semaine et les soirées 5 à 7. Maintenant, je me limite à un verre lors d’une occasion spéciale et mon foie me sourit chaque fois.

L’intérêt pour la santé mentale.

Après deux années d’enseignement, je suis retournée à l’université Concordia pour des études en récréation thérapeutique et en santé mentale afin de pouvoir poursuivre en yoga thérapeutique. J’ai suivi des formations avec différents professeurs : Isabelle Sarne, Locana Sansregret du Centre Padma Yoga, Bo Forbes et Jillian Pransky des États-Unis.  J’ai décidé de me concentrer sur la santé mentale puisque j’ai moi-même souffert d’anxiété et de dépression dans le passé. On devient professeur souvent pour s’aider soi-même. Je suis en train de faire un projet pilote sur le stress post-traumatique en jumelant l’équitation thérapeutique et le yoga thérapeutique. J’avais fait un projet similaire en 2010 et les résultats avaient été concluants.

Gourous.

Certains professeurs en yoga traditionnel vont suivre des gourous lors de retraites ou de visites dans des ashrams. Personnellement, je ne suis pas du type à me prosterner devant un gourou. Ayant subi une agression dans un ashram au Québec, je n’ai aucune intention d’en visiter d’autres que ce soit ici au Québec ou en Inde. Ça ne m’interpelle pas du tout. Je sais que certains gourous sont très inspirants, mais je n’aime pas l’aspect trop autoritaire durant le séjour. Je préfère les écouter sur vidéos lorsque le sujet m’interpelle. J’aime les traditions, mais je préfère doser le tout à ma manière et ainsi être plus à l’écoute de nos réalités d’aujourd’hui. Comme on dit, j’en prends et j’en laisse, car j’ai quand même ce petit côté cérébral.

L’avenir de l’école.

Quand j’ai commencé en 2007, je louais des locaux pour offrir mes cours. En 2008, j’emménage au Centre Desranleau dans un local fixe. J’étais toute seule comme enseignante. J’ai failli tout lâcher plusieurs fois, car gérer un centre de yoga n’est pas lucratif. Moi qui faisais jadis un revenu dans les 6 chiffres dans le domaine des médias, c’était tout un choc que de me retrouver avec un revenu en deçà du seuil de la pauvreté. Pour continuer, j’ai dû accepter de m’imposer un mode de simplicité volontaire. Durant mes études, j’ai même eu recours à des paniers de Noël. D’anciens élèves ont décidé de devenir professeurs et ainsi l’école a grandi en termes de personnel. En 2015, je déménage dans mon local actuel. Un local beaucoup plus petit que l’ancien, mais l’édifice est doté d’un ascenseur. Étant donné que j’enseigne du yoga thérapeutique aux personnes souffrant de cancer, ce n’est pas à négliger. Ce local me permet d’avoir 12 élèves par classe. Personnellement, j’aime les groupes de 8 à 12 personnes. Je trouve que c’est plus facile d’encadrer les élèves et en même temps, je respecte les normes des Fédérations de yoga. Je n’ai pas l’ambition de grossir en matière de locaux. Avec mon nouveau rôle de grand-mère, mes objectifs ont pris une tournure différente. Je veux profiter de la vie et de ma famille au lieu de travailler 70 heures/semaine et aussi parce que cela devient difficile en vieillissant. Gérer un petit centre me permet de répondre à mes besoins essentiels. Dans 10 ans, j’aurai 65 ans et je laisserai l’école entre les mains de mes jeunes professeurs, car j’ai la certitude qu’ils vont perpétuer les mêmes valeurs que j’endosse depuis le début. Je n’arrêterai pas d’enseigner à ma retraite, mais je caresse un rêve d’aller vivre dans la région du Bas-Saint-Laurent donc je donnerai sûrement quelques petits cours là-bas en yoga thérapeutique et adapté pour les personnes âgées. D’ici là, je vais continuer à cheminer dans ma vie en travaillant sur mes « bébittes intérieures », celles qui me polluent l’existence. Quand j’ai fait ma formation en yoga thérapie et en psychothérapie à l’université, on nous avait dit que pour aider les autres, on doit commencer par soi-même, alors depuis ce temps, je fais du ménage. J’ai réussi à enlever de la poussière, mais il reste encore plusieurs couches à nettoyer. Peut-être qu’un jour, si la vie me le permet, j’aurai atteint mon objectif.

Namasté! Chantal Côté, Propriétaire et directrice de l’École de yoga Shantaya